Il y avait une époque où le cinéma africain existait dans une ombre bien trop vaste, celle projetée par les cinémas européens et américains qui dictaient les récits et les normes de l’industrie. Pourtant, dans cette obscurité, des flammes vacillaient, portées par des conteurs intrépides, des hommes et des femmes qui, armés de caméras et de convictions, refusaient que l’histoire de l’Afrique soit racontée uniquement par d’autres. C’est dans cette ferveur, cette quête de représentation authentique, que le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, le FESPACO, a vu le jour en 1969.

Ce festival, bien plus qu’une simple célébration du septième art, est un acte de résistance, une déclaration affirmée de l’existence d’un cinéma africain légitime et vibrant. Dans les rues de Ouagadougou, à chaque édition, on entend les conversations passionnées des réalisateurs qui s’interrogent sur l’identité africaine, sur les récits que l’on choisit de raconter, sur l’héritage des griots transposé sur pellicule. Le FESPACO a offert à l’Afrique un miroir, non pas celui déformé par le regard extérieur, mais un miroir façonné par ses propres mains, capable de refléter ses joies et ses douleurs, ses victoires et ses luttes.

Un cinéma de vérité et de mémoire

Il y a une justesse, une vérité poignante dans le cinéma africain, surtout celui qui a émergé grâce au FESPACO. Des cinéastes comme Ousmane Sembène, « le père du cinéma africain », ont compris que le cinéma pouvait être plus qu’un divertissement : il pouvait être un outil de transformation sociale. Dans Xala, il dénonçait les hypocrisies des élites postcoloniales, dans Camp de Thiaroye, il rappelait les injustices faites aux tirailleurs sénégalais. Ces films ne se contentaient pas de raconter des histoires ; ils exigeaient que l’on écoute.

D’autres ont suivi, élargissant le spectre des récits africains. Gaston Kaboré, Souleymane Cissé, Safi Faye, Abderrahmane Sissako… chacun, à sa manière, a utilisé la caméra comme un instrument de mémoire et de revendication. Sans le FESPACO, beaucoup de ces films n’auraient pas trouvé leur public, étouffés par un système mondial peu enclin à écouter des voix africaines.

L’âge d’or : mythe ou réalité ?

Il est facile de parler d’un « âge d’or » du cinéma africain en évoquant les décennies 1970-1990, tant l’effervescence était palpable. Mais parler d’« âge d’or » sous-entend une apogée suivie d’un déclin. Or, si les défis sont nombreux – manque de financements, absence de structures de distribution adaptées, influence des plateformes mondialisées – le cinéma africain n’a jamais cessé de grandir. Il s’est réinventé, flirtant avec le numérique, s’adaptant aux nouveaux modes de consommation.

Aujourd’hui, des réalisatrices comme Mati Diop (Atlantique) ou Wanuri Kahiu (Rafiki) rappellent au monde que le cinéma africain n’est pas un phénomène du passé, mais une force en constante évolution. Le FESPACO, en célébrant aussi bien les pionniers que la nouvelle vague, prouve que l’Afrique raconte encore son histoire, avec la même ferveur, la même audace.

Un héritage en mouvement

On dit souvent que le cinéma africain est un cinéma de la résilience, mais il serait plus juste de dire qu’il est un cinéma de la renaissance perpétuelle. Le FESPACO a été, et demeure, l’un des foyers de cette renaissance. Il n’est pas seulement un festival ; il est un rappel que l’Afrique ne se contente pas d’être une source d’inspiration pour d’autres cinémas. Elle est elle-même un continent de conteurs, un territoire où les histoires méritent d’être vues et entendues.

Lorsque les projecteurs s’allument à Ouagadougou, lorsque les applaudissements résonnent dans les salles bondées, ce n’est pas simplement un film qui se termine : c’est une voix africaine qui s’élève, affirmant, une fois encore, son droit à l’existence.

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